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Saint Georges et son
dragon de compagnie
Stefan Rinck
Bélis, 2020
programmation : Irwin Marchal
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Artiste allemand travaillant à Berlin, Stefan Rinck développe depuis de nombreuses années une pratique essentiellement centrée autour de la sculpture sur pierre. Fort de cette technique ancestrale et d’une certaine érudition vis-à-vis de l’histoire de l’art, l’artiste s’inspire autant des contes, des légendes et des récits qui accompagnent l’être humain au fil des âges et des géographies, que de la psychanalyse ou de la philosophie (germanique et plus largement occidentale) dans lesquels il va puiser les éléments nécessaires à sa réflexion.
Animaux légendaires, personnages chimériques, gargouilles et autres créatures mythologiques peuplent le bestiaire qu’il met à jour à travers le grès, le calcaire, ou la roche volcanique. Pour le village de Bélis, sous l’ombre des chênes centenaires, entre le four à pain traditionnel et la petite église, Stefan Rinck donne à voir une représentation inspirée de la légende de Saint Georges et le Dragon.
D’origine sans doute orientale, puis intégrée par la tradition chrétienne occidentale via les croisades, la légende de Saint Georges et le dragon raconte l’histoire d’une lutte épique entre le bien et le mal. Saint Georges, symbole du courage et de la vertu est chargé de mener une bataille contre le dragon, symbole de l’animalité et de la sauvagerie. Le Dragon réclame des sacrifices sous peine de déchaîner le feu et la mort. Pour le calmer, une princesse, symbole de pureté, lui est offerte.
Mais Saint Georges, saint patron de la chevalerie et habitué des hautes actions de la bravoure, se lance dans le combat. Bien que cette bataille se termine par la mort du dragon, Saint Georges prend le temps, par ruse, par vertu ou peut être simplement par humanité, de l’amadouer, de l’apprivoiser, d’échanger un regard et une intuition avec l’animal.
De cette légende qui occupe l’imaginaire occidental, Stefan Rinck nous propose une interprétation décalée, une métaphore sur la parabole, une allégorie sur le mythe. Dans l’esprit de l’artiste, cette scène mémorable et mythologique prend la forme d’un point de vue personnel, entre la relation que l’être humain entretien avec son environnement. Face à ces blocs de pierre et au regard de leur longévité promise, s’impose alors une dialectique et un questionnement évident. Par quel moyen l’être humain continuera-t-il à écrire son histoire et sous quelle condition? Devra t’il apprivoiser son environnement, son espace, son écosystème ou, dans une pulsion mortifère éradiquer l’animal? L’animal qui est en lui, l’animal face à lui…Voilà en substance le propos de l’artiste qui sous une forme faussement naïve et inoffensive nous renvoie tout de même aux questions les plus essentielles: L’être face à l’autre, l’homme face à lui-même, le grand tout sensible face au trou noir de la mort!
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Irwin Marchal